Son oeuvre racontée par son épouse et ...par lui-même

 

Mon fils Olivier m'a demandé d'expliquer la peinture d'Hubert. A vrai dire, il n'y a que lui qui aurait été capable de s'adonner à cet exercice; moi, je ne peux vous parler que de ce que je voyais quand il peignait car il avait horreur de commenter ses oeuvres et il ne fallait surtout pas lui demander d'explications à ce sujet: "Vous aimez ou vous n'aimez pas, un point c'est tout" .

 

Quand je suis entrée dans la vie d'Hubert, il avait 24 ans et son oeuvre picturale était déjà conséquente. Il ne peignait que des aquarelles, faisait des croquis au fusain ou au crayon gras. Il avait fait quelques illustrations sur "Le Grand Meaulnes" , livre qui le faisait particulièrement rêver. Il avait croqué la plus part des personnages de la Fête Mystérieuse .

 

Il me parlait souvent de son désir de toucher à la peinture à l'huile et je lui offrais tout le matériel nécessaire pour qu'il puisse mettre son désir à éxécution .

 

C'est lors d'un voyage à Saint Nicolas de Véroce qu'il a pressé son premier tube de peinture à l'huile et fait glisser sa brosse sur une toile vierge et il a obtenu immédiatement une oeuvre admirée par tous. La peinture était innée chez lui.

 

Hubert n'a jamais pris de cours de peinture, hormis ceux dispensés dans le cadre de l'enseignement scolaire. Il tenait beaucoup à ne subir aucune influence ou directive lui imposant une tendance quelconque. Il ne supportait pas l'idée qu'on puisse penser que sa toile ait été conçue sous l'influence de qui que ce soit.

 

En fait, son professeur était, sans le savoir, son grand père qui peignait de très jolies aquarelles. Il travaillait en amateur.

 

Durant les vacances scolaires, Hubert passait des heures à le regarder peindre et c'est ainsi que l'envie de prendre à son tour un pinceau lui est venue et, tout naturellement, c'est l'aquarelle qui l'a inspiré.

 

Vous avez compris qu'Hubert était très indépendant et, comme il fallait bien vivre et qu'il n'était pas rentier, il a dû exercer un métier. Il a choisi d'être administrateur de la France d'Outre-Mer; cela lui permettait de fonder une famille tout en satisfaisant sa passion en toute quiétude.

 

Il serait prétentieux de croire qu'on ne subit aucune influence car, tout ce qui vous entoure, tout ce qu'on voit, et même les oeuvres des uns et des autres vous influencent malgré vous.

 

Hubert aimait les peintres de son époque tels que les impressionnistes, particulièrement Monet, Cézanne et bien d'autres. Mais il aimait aussi Miro, Matisse, Nicolas de Staël, Modigliani et particulièrement Dufy et Van Gogh.

 

Dès que nous le pouvions, nous nous rendions à Saint Paul de Vence à la galerie Maeght où là tout était enchantement pour un peintre comme Hubert: les jardins avec leurs fontaines et bassins tous dessinés par des artistes de renom tels que Matisse, Miro, Chagall... C'était une galerie à ciel ouvert avec les sculptures de Giacometti et les mobiles de Calder. Tout cela enveloppé par la lumière du Midi mettait Hubert en joie.

 

- "Je poursuis mes recherches picturales et conserve ma liberté d'expression. Détaché des modes, j'approfondis systématiquement les voies tracées par Kandinsky ou Nicolas de Staël pour ne prendre que deux exemples. Mais je pense que mes toiles sont remarquables par un style qui m'appartient. Je ne recueille, pour le moment, qu'une estime et suis conscient de ne pas avoir choisi le chemin de la facilité. " (Extrait de "Jacques" écrit d'Hubert  Jamin)

 

Donc, depuis la première oeuvre brossée à Saint Nicolas de Véroce, les toiles se sont succédées sur le chevalet d'Hubert et un beau jour le figuratif l'a ennuyé; il avait tiré tout ce qu'il pouvait de ce style et il se mit à simplifier et à dépouiller son travail de tout ce qu'il trouvait de superflu et , petit à petit, il est parvenu à la peinture abstraite et, là, il a pu déployer toute son imagination tout en écoutant de la musique.

 

- "J'étais  résolument entré dans la voie de ce que l'on appelait improprement l'abstraction. J'ai observé, en effet, que les amateurs de ma peinture y voyaient librement un spectacle différent. Ils pouvaient, à la limite, exercer leur réaction en disant simplement: "j'aime les couleurs" . (Extrait de  "Une histoire incroyable" écrit d'Hubert Jamin)

 

- "Mon oeuvre doit beaucoup à la musique: la musique est la soeur de la peinture. Je les mets sur le même plan et peins en écoutant de la musique. "Le clavier bien tempéré" de Bach m'a particulièrement inspiré, frappé que j'étais par l'alternance des rythmes et des couleurs de la mélodie et des accords." (Extrait de "Jacques" écrit d'Hubert Jamin)

 

-"J'écoutais une première fois la musique, puis remettait le disque après avoir laissé mon imagination élaborer une traduction picturale de ce que j'écoutais. "(Extrait de "Jacques" écrit d'Hubert Jamin)

 

Il adorait les couleurs, il disait que cet amour venait de sa tendre enfance; lorsqu'il était petit dans son berceau, il voyait un abat jour faire miroiter ses couleurs multiples et cela le fascinait; sa mère disait que ce n'était pas possible car il avait 18 mois quand il a quitté l'appartement où il y avait cet abat-jour. Salvador Dali ne prétendait il passe souvenir de sa vie intra utérine!

 

En 1962, après avoir passé 12 ans dans les pays tropicaux : Nouvelles Hébrides (Vanuatu) et Dahomey (Bénin), nous sommes rentrés définitivement en France ramenant avec nous de nombreuses toiles prises sur le vif et 4 enfants.

 

En 1972, j'ai profité d'un séjour près de Paris pour essayer de faire connaitre les oeuvres de mon mari et j'ai envoyé des toiles dans les expositions environnantes.

 

En 1982, nous nous sommes installés dans le Var où nous avons vécu jusqu'en 2005. Là, nous avons créé nos propres ateliers et une salle d'exposition dans laquelle nous montrions nos oeuvres : peinture, sculpture et poterie car, entre temps, j'avais appris l'art du grès.

 

Et, pendant ces 23 ans, Hubert partageait son temps entre son atelier de peinture et mon atelier de poterie où il a pris goût au travail de la terre, créant des vases et tout objets très personnels, façonnant des sculptures et, surtout, les émaillant avec ses propres émaux fabriqués avec les cendres récupérées dans notre jardin. Là, son imagination n'avait plus de bornes.

 

Nous habitions près de Cogolin où la manufacture de tapis a été intéressée par le graphisme d'Hubert et a fabriqué 2 tapis selon ses toiles.

 

Hubert prenant de l'âge et ne pouvant plus peindre ni sculpter, nous avons regagné la région parisienne. Ne pouvant rester à rien faire, Hubert s'est attelé à l'écriture où son imagination a pris une autre direction jusqu'à son décès.

 

Anne Marie Jamin

Saint Cloud, le 9 Juin 2017